Ta façon d’être au monde ; Camille Anseaume.

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Auteur : Camille Anseaume
Editions : Kero
Nombre de pages : 226 pages
Prix : 17,90€ euros
Date de parution : 18 mai 2014
Genre : Contemporain
Ma note : Coup de 

test3 résumé

« C’est l’heure du départ, la fin de l’été. Il faut rentrer. Dans la chambre, je reste transie, incapable de bouger. C’est l’angoisse et les regrets qui me paralysent. Je comprends que je n’ai pas pris le temps de défaire mes valises, ni même de regarder à la fenêtre. Maintenant que je réalise qu’on y voit la mer, il est temps de m’y arracher. Le séjour est passé sans moi. J’étais là, et je ne le savais pas. J’en conçois une tristesse et une culpabilité infinies, sans commune mesure avec les faits. Tu connais ce rêve étrange que je t’ai souvent décrit. Il m’a hantée chaque nuit pendant des années. Et puis un jour je ne l’ai plus fait.

Ce jour là, j’ai compris que l’été avait duré vingt-six ans. »

Elles sont amies d’enfance. L’une est inquiète, rêveuse, introvertie ; l’autre est souriante, joyeuse, lumineuse. Ensemble, elles grandissent, découvrent la vie, l’amour. Jusqu’à ce qu’un drame bouleverse le monde qu’elles se sont bâti… Un roman poignant sur l’amitié, le deuil, et sur ce point de bascule irréversible qui sonne la fin de l’insouciance.

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Je tiens à remercier le site Lecteurs.com ainsi que les éditions Kero pour l’envoi de ce livre qui me faisait énormément envie et que je suis extrêmement heureuse d’avoir reçu et dévoré dans le cadre de l’Explo’Book !

Ta façon d’être au monde, c’est l’histoire de deux meilleures amies, qui se connaissent depuis toujours, inséparables malgré leur caractère respectif, aux antipodes du caractère de l’autre. L’une est extravertie, éblouissante, elle impose sa présence sans même avoir à glisser un seul mot, tandis que l’autre, la narratrice, est plus introvertie, silencieuse, sur sa réserve ; elle vit toujours dans l’ombre de la première, mais c’est ainsi qu’elles se complètent l’une et l’autre. Leur récit se déroule de la naissance de la narratrice —dont on n’apprendra jamais le nom—, jusqu’à ses vingt-six ans. En effet, les premières années s’en retrouvent condensées, l’on est au courant que des événements importants qui concernent sa meilleure amie, ou des anecdotes qui permettent de comprendre quelque peu sa façon de voir le monde. C’est à partir de leur vingtaine d’années que l’histoire s’attarde un peu plus longuement, puisque c’est là que tout va se jouer.

Un drame, un deuil, qui vient ébranler leur vie, leur groupe d’amis ; les jours, les semaines, les mois qui suivent et l’inévitable qui suit la perte d’un proche : passer le cap d’enterrer quelqu’un que l’on aime —aimait—, apprendre à vivre sans cette personne, sans son rire, sans sa présence, avec tout ce qu’il reste de souvenirs, de douleur et de culpabilité, oublier de voir son fantôme partout, recommencer à vivre, aller de l’avant tant qu’on le peut encore, peu à peu, pas après pas. C’est cette période, terriblement longue et pourtant à l’air de quelques secondes en suspens dans l’air, qui est retranscrite dans les pages de ce roman, criante d’une vérité qui prend aux tripes.

C’est la mort qui frappe au hasard, sans prévenir, sans que personne ne s’y attende. C’est la mort qui percute un être aimé, qui laisse une place vide à table, à gauche du lit, du côté passager dans la voiture. C’est la mort qui prend, qui arrache, sans demander la permission, et c’est le vide qui reste, le choc, les larmes, le silence que l’on essaie de combler alors que le moindre bruit sonne faux, les tentatives désespérées de retrouver une routine qui n’aie pas l’air indécente. C’est le deuil, qui se fait, peu à peu, la prise de conscience, la vie qui recommence lorsque les écrous rouillés décident de fonctionner à nouveau.

On suit donc la narratrice, sa meilleure amie, et leur petit groupe, fondé autour des frères de l’une, des amis de ces frères, de leurs petites amies, de leurs propres amies qu’elles deux se feront au collège, lycée ; Nora, Roméo, Nico, Michèle et d’autres. La plupart ont grandi ensemble, ils se connaissent par cœur, ils sont tous comme frères et soeurs. Ils ont fait leurs premières conneries ensemble, ils ont fait leur premier mur ensemble, ils ont fumé leur première clope ensemble, pris leur première cuite ensemble, et ils ne se sont jamais vraiment lâchés, rapprochés par les liens indéfectiblement noués entre eux. Ce sont des personnages attachants, humains, touchants, que j’aurais peut-être aimé connaître un peu plus que ça tout de même, parce qu’ils me plaisaient bien.

Le roman est divisé en deux grandes parties : la première est rédigée à la troisième personne du point de vue de la narratrice, et s’adresse à sa meilleure amie en employant la deuxième personne du singulier ; la deuxième emploie la première personne du singulier couplée à nouveau avec la deuxième. (cf. synopsis). J’ai beaucoup apprécié, étant moi-même une adepte de ces façons d’écrire peu communes, et tellement rares surtout dans la littérature. J’ai trouvé aussi que c’était terriblement bien choisi comme originalité puisque, sans cesse, la narratrice ne se voit qu’au travers de sa meilleure amie, toujours dans l’ombre de ce « tu » qu’elle idéalise, qui l’illumine et aux travers des yeux de laquelle elle essaie de voir. De même, on ne retrouve que peu de dialogues directs dans ce roman, Camille Anseaume ayant jeté son dévolu sur le discours indirect libre que j’apprécie particulièrement.

Si j’ai adoré aussi la relation déroutante entre la narratrice et son amie, j’aurais aussi voulu voir la première plus impliquée, de temps à autres. Il était déconcertant de la voir si peu concernée par certaines choses qui atteignaient les autres. Quand bien même il y a justification, ça m’a souvent perturbée de la voir détachée et incapable de voir la scène qui se déroulait sous ses yeux d’un point de vue externe plutôt qu’interne, comme si rien ne la touchait. Pire, encore, je l’ai méprisée pour l’un de ses choix, que j’appellerai le plus égoïste qui soit au monde ; mais ça, je vous laisse le plaisir de le découvrir par vous-mêmes et de m’en dire des nouvelles.

Ici, l’on n’a pas affaire à un roman d’action ou d’aventure, loin de là ; il ne faut pas s’attendre à des rebondissements sans fin qui nous tiennent en haleine de A à Z, car ça n’est pas ce que vous y trouverez. Il s’agit d’un de ces romans qui serrent le coeur, qui noue un noeud dans la gorge et mettent si facilement les larmes aux yeux des plus sensibles —oui, j’ai pleuré, en grande fragile invétérée que je suis. C’est une histoire en soi « monotone« , simplement touchante dans ses vérités, dans sa façon de dire le pire et le mieux qui s’en suit, la vie qui fuit et la mort qui surgit au détour d’une allée, sans que l’on y puisse rien changer. C’est un véritable page-turner à la fin inattendue, pourvu d’une chute à couper le souffle. Si vous n’avez pas peur de verser quelques larmes sur les dernières pages, alors foncez, lisez-le. Vraiment.

Les +
– une histoire vraie, touchante, plausible au possible
– des personnages humains que l’on aime voir évoluer
– discours indirect libre très bien utilisé
– narration au elle + tu / je + tu particulièrement appréciable
– de magnifiques citations que j’ai adoré relever

Les –
– peut-être un petit manque au niveau des personnages secondaires, que j’aurais voulu apprendre à connaître un peu plus ?

coup de coeur

test4 extrait

« Hésiter à leur dire seulement que c’est grave, ou à leur dire tout court. Tempérer autant que possible la déflagration qui secouera leur proche. Soigner la première phrase, celle qui introduit. Pour que l’angoisse monte en douceur, ne les surprenne pas trop vite, ne leur fasse pas à leur tour rater une marche ou traverser sans regarder.

Choisir soigneusement les mots qui déchireront leur vie.

Transformer l’innommable en sujet-verbe-complément, travailler la matière pour la rendre intelligible, m’octroyer le droit d’y mettre des mots, de planter le décor funèbre. »

livraddict

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