À l’image de la lueur d’espoir et de douceur que fut sa lettre « Vous n’aurez pas ma haine », publiée au lendemain des attentats, il nous raconte ici comment, malgré tout, la vie doit continuer.
C’est ce quotidien, meurtri mais tendre, entre un père et son fils, qu’il nous offre. Un témoignage bouleversant.
J’ai mis longtemps. Longtemps, avant de l’acheter. Longtemps, avant de cesser de l’observer de loin, avec comme la peur de le toucher, de l’ouvrir, à croire qu’il allait me mordre les doigts à sang si je m’y risquais. Longtemps, avant d’oser me plonger dedans, le lire pour de bon. Cette chronique sera courte ; ne me demandez pas de juger ce livre autrement que pour ce qu’il est, j’en serais incapable. On ne peut parler d’un témoignage comme on parlerait d’une oeuvre de fiction, on ne peut juger les émotions et les décisions d’un homme de chair et d’os comme on parlerait de ceux d’un personnage de roman. Qui serions-nous, entre les lignes de Vous n’aurez pas ma haine, pour juger les larmes, la douleur, le deuil, les failles ; je vous le demande : qui serions-nous ?
Dès la première page, j’ai senti les yeux me brûler — 13 novembre, 22h37 ; Antoine Leiris est occupé à lire, son fils, Melvil, dort et, tout à coup, il reçoit une flopée de ces messages que l’on a tous envoyés aux parisiens que l’on connaissait, et pour qui l’on a eu si peur : « Tout va bien ? », « Vous êtes en sécurité ? ». Il allume la télévision, réflexe BFM, et l’horreur du monde s’expose à sa vue. « Attentat au Bataclan », et l’univers tourne à contre-sens : sa femme assistait au concert des Eagles of Death. Il ne le sait pas encore, mais le destin est déjà scellé, le verdict déjà rendu : on connaît l’issue, et ciel que c’est douloureux.
Je n’ai pas pu interrompre ma lecture. Je l’ai commencée lorsque j’attendais mon train à la gare pour aller en cours, et je l’ai terminée un peu plus tard sur un banc du centre-ville de la ville étudiante. Bouleversée. Vague envie de pleurer. Ce n’étaient pas les mêmes larmes que celles qui viennent titiller habituellement, face au destin funeste d’un personnage ; c’était autre chose de plus fort, de plus vrai. Ce soir de vendredi 13, je pleurais, branchée aux informations en direct sur mon ordinateur ; le lendemain matin, je pleurais quand le bilan s’alourdissait sur BFMTV. Les premières pages de ce témoignage m’ont ramenée à ces jours-ci, ces jours sombres et ces émotions déchirantes. Les suivantes étaient presque pires, douces-amères de la douleur d’un époux, d’un fils, et de la force d’un père. La force de deux, de mille, pour la prunelle de ses yeux — le petit Melvil.
C’est un coup de cœur — plus, encore. C’est un récit qui marque, qui peut toucher tout le monde — parce qu’il n’est pas fictif, parce qu’il n’appartient pas à un genre particulier sinon celui des témoignages, et parce qu’il fait les murs de la France et de son histoire. Quelquefois tragique. Parce qu’il peut parler à tous, à n’importe qui, affecté de près ou de loin par les attentats, ici ou ailleurs. Pas un roman : un message de force et d’humanité.